Multilinguales
Volume 12, Numéro 1, Pages 409-424
2024-06-30

La Féminisation De La Langue : Un Débat Linguistique ? Lecture Croisée Des Discours De L’académie Française

Auteurs : Candau Olivier-serge .

Résumé

La prise en compte des marques du féminin dans la langue a varié au cours des siècles et selon les théoriciens. La première est celle de ses défenseurs d’une féminisation de la langue, que cela soit celle des titres, des métiers et des fonctions, ou celle de l’usage systématique du féminin et du masculin dans les messages adressés à un auditoire mixte. La seconde, défendue par l’Académie française, repose sur le refus d’une féminisation forcée de la langue. Un clivage s’opère donc entre les défenseurs de la féminisation, qui mettent l’accent sur la dimension sociale du débat (l’égalité des dénominations dans la langue comme garantie de l’équité des sexes dans la société) et ses détracteurs, qui s’appuient sur une approche linguistique (l’usage du masculin s’explique par sa valeur de généricité). Pourtant la déclaration du 28 février 2019 d’une Académie française désormais favorable à une féminisation partielle invite à discuter ce clivage. Et ce revirement semble d’autant plus surprenant en raison notamment de la présence d’Edwards dans la commission d’étude, dont on peut estimer que les positions affirmées collectivement (2014) et individuellement (2017) contestaient largement le bien-fondé d’une terminologie féminisée. Quoique que ces discours adoptent des points de vue qui semblent s’exclure (2014, 2017 versus 2019), ils gagnent pourtant à être considérés de façon complémentaire. D’une part parce qu’ils produisent un savoir sur les mécanismes de la langue. D’autre part parce qu’ils mettent en scène par un ensemble de procédés rhétoriques une stratégie argumentative qui vise bien plus les émotions que la raison. L’unité des positions de l’Académie française (2014, 2017 et 2019) relève ainsi d’un jeu subtil entre discours et pouvoir. Le discours de l’Académie sur la féminisation de la langue sollicite autant des arguments solides (relevant d’un discours du pouvoir) que de la sensibilité (relevant des pouvoirs du discours).

Mots clés

Académie française ; féminisation de la langue ; langue ; pouvoir