Aleph
Volume 10, Numéro 3, Pages 167-185
2023-05-25

L’anti-hirak, Une Rhétorique Réactionnaire à L’œuvre

Auteurs : Mahraoui Abdelkarim . Zenati Jamel .

Résumé

Les situations révolutionnaires s’accompagnent par une polarisation de la scène discursive en deux clans, le clan révolutionnaire et ses partisans, ceux qui adhèrent au positionnement de la révolution d’un côté, le clan du pouvoir en place et son clan détracteur, ceux qui désavouent la révolution de l’autre côté. Autrement, l’histoire nous enseigne qu’à chaque élan révolutionnaire, à chaque poussée progressiste une réplique contre-révolutionnaire. Chacun campe sur un positionnement, avance des arguments pour se renforcer et décrédibiliser le camp adverse. Discours contre discours, le dicible autour du Hirak algérien, du 22 février à nos jours n’échappent pas à ces positions ou plutôt il ne fait pas exception. Souvent, la révolution dérange le pouvoir en place et ceux qui en tirent bénéfice, c’est pourquoi elle est décriée par eux en exploitant dans leur contestation une rhétorique et une topique bien claire, productrices d’arguments, faciles à ranger, qu’il soit sur le plan de contenu ou de la forme sous l’étiquette de la rhétorique réactionnaire . Dans notre contribution, il ne s’agira pas de prendre en cible ceux qui tiennent des discours réactionnaires, mais de mettre au jour les stratégies qu’ils usent et leurs arguments-types invariablement repris. Il n’est pas de notre rôle de coller l’étiquette péjorative « réactionnaire » à quiconque, ainsi s’il nous est donné de définir un réactionnaire objectivement, nous nous référons Harold Bernat (2012) qui définit la réaction comme « La préservation oppositionnelle d’une réalité menacée de disparition », ou en paraphrasan Marc Lilla (2019), si le révolutionnaire est l’avers de la pièce, le réactionnaire est son envers. Relativement à notre contexte, sont réactionnaires, tout simplement, ceux qui s’opposent d’une manière ou d’une autre aux forces du changement qui portent le Hirak, à ses figures, à ses moyens, et ses revendications politiques . Loin de toute subjectivité et sans aucun engagement du côté du Hirak, nous posons l’hypothèse que les arguments les plus répétés contre le Hirak forment en effet une antienne, ils se ramènent autour de quelques formules simples déjà systématisées par Albert O. Hirschman (1991). Ces schémas qui structurent l’offensive anti-hirak se déclinent suivant les trois arguments de la rhétorique réactionnaire établie par Albert O. Hirschman (1991) à savoir l’effet pervers, l’inanité, et la mise en péril. À la croisée de l’analyse des discours politiques et de la rhétorique, nous monterons sur un corpus de vidéos disséminées sur YouTube, s’adonnant à un discours anti-Hirak , que les invariants de la rhétorique réactionnaire sont des ressorts argumentatifs qui continuent encore aujourd’hui d’être mobilisés contre la révolution du sourire. Il s’avère qu’à toute révolution, il y a un chœur réactionnaire à l’abbé Barruel, à la Burke, à la Maistre et à la Bonald.

Mots clés

Hirak ; discours anti-hirak ; rhétorique réactionnaire ; analyse de discours ; argumentation