Le Manager
Volume 5, Numéro 2, Pages 3-16
2018-12-01
Auteurs : Boukella Mourad .
« Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé » Albert Einstein La réflexion que nous soumettons au débat procède d’une préoccupation citoyenne profonde, partagée par beaucoup d’analystes de l’expérience algérienne de développement postindépendance, sur la situation économique et sociale du pays. Un demi-siècle après le lancement d’une stratégie d’industrialisation très prometteuse (1966-1978), plus de 25 ans après la « parenthèse enchantée » (très brève, il est vrai) des Réformes économiques (1988-1991), les perspectives ne sont pas encore franchement ouvertes et les chemins de la croissance et du développement restent encore à découvrir. Malgré la disponibilité de ressources financières très conséquentes, particulièrement au cours de la période 2000-2014, issues de la vente d’hydrocarbures, l’ère de l’après -pétrole, évoquée comme un leitmotiv tant dans le discours officiel que par l’opposition, n’est pas engagée de façon irréversible. Le fameux slogan des années 1970 : «semer le pétrole pour récolter le développement» demeure un vœu pieux. Le projet risque même de ne jamais se réaliser depuis que la COP 21 de Paris, à laquelle l’Algérie est partie prenante, a inscrit dans son agenda la perspective de sortir définitivement du carbone et que les prix du baril de pétrole ont entamé une chute conséquente à partir de juin 2014. Comment alors expliquer tous ces rendez-vous manqués avec le « décollage » économique et le progrès social tant espérés ? La thèse la plus répandue, dans les milieux universitaires notamment, considère que l’impasse trouve sa source dans l’arrêt du projet d’industrialisation initié au cours des décennies 1960 et 1970. Ambitieux et original au point où des théoriciens du développement l’ont adopté comme modèle de référence pour les pays du Tiers monde, ce projet mettait en place, nous dit-on, un processus de modernisation irréversible de l’économie algérienne et était porté par les franges les plus progressistes de la société de l’époque. Mais, selon ce courant, il n’a pu être conduit à son terme, compte tenu de l’intrusion des « dogmes néolibéraux », introduits d’abord timidement au début de la décennie 1980, puis reconduits, approfondis et appliqués de façon plus systématique par les Réformateurs au cours de la décennie 1990, sous la pression des Institutions financières internationales. Les multiples obstacles et freins à la modernisation et au développement du pays seraient donc liés à l’abandon de l’orientation socialiste de départ impulsée par un Etat autoritaire mais moderniste, et son remplacement par une orientation diamétralement opposée, celle du diktat des marchés, imposée par des forces sociales et politiques, internes et externes, favorables à la libéralisation rapide de l’économie. Nous voulons tester, dans cette contribution, une autre interprétation fondée sur l’idée que l’origine de l’échec n’est pas à rechercher dans les tentatives de mise en place d’un système d’économie de marché concurrentielle, encore très loin d’être une réalité en Algérie. Elle réside, au contraire, dans les difficultés à mettre en place un tel système. Plus précisément, elle est dans l’impossibilité objective de conduire une véritable transition vers l’économie de marché, compte tenu de la nature autoritariste et rentière du pouvoir politique de l’ère postcoloniale. Pour construire notre argumentaire, il nous faut d’abord clarifier le concept d’économie de marché autour duquel persistent, à notre sens, tant de confusions et de malentendus (1ère partie). Nous puiserons ensuite dans les principales orientations de politique économique postindépendance quelques arguments démontrant, pour le cas algérien en tout cas, l’incompatibilité entre autoritarisme d’Etat et économie de marché (2ème partie). Une conclusion générale permettra de tirer quelques enseignements d’une telle expérience.
Economie de marché, autoritarisme d’Etat et développement économique : l’expérience algérienne
Dahmani Ahmed
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pages 47-69.
Kheddache Fares
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pages 526-545.
Hammadene Ouiza
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pages 262-281.
Ahmed Henni
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pages 49-54.